L’AVVENTURA
MICHELANGELO, MONICA ET L’ISLA BIANCA
Et si l’Avventura, le chef d’œuvre de Michelangelo Antonioni, tourné en 1960 avec Monica Vitti, était une histoire de mer et d’ile?
Retour sur un tournage épique dans les iles éoliennes.
LES TRAVERS
DE L’AME HUMAINE
L’Avventura, c’est le premier film du réalisateur italien Michelango Antonioni.
Celui qui s’inscrira quelques années plus tard dans la pop-mémoire collective avec Blow up et son affiche mythique, n’est pas n’importe qui, mais reste loin d’avoir acquis la renommée qui fera de lui l’un des grands noms du cinéma italien.
L’Avventura, premier volet de du cycle de l’incommunicabilité, raconte l’histoire d’une bande d’amis, de leur aventure en mec, de la disparition subite d’Anna (Léa Massari)et des recherches menées par son amant et de sa meilleure amie (Monica Vitti), qui entameront bientôt une liaison.
Lâcheté, égoïsme, le film traite sans fard des travers de l’âme humaine et déroute totalement le public cannois où il est projeté en 1960.
Il faut dire qu’Antonioni s’éloigne sans prévenir des canons du genre. Sifflé, le film sera soutenu avec ferveur par des grands noms tels que Rossellini.
Il remporte le Prix du Jury et fait de Monica Vitti, muse d’Antonioni, une star.
NAISSANCE DE
MONICA VITTI
Monica Vitti.
L’Avventura, c’est Monica Vitti. La jeune actrice lombarde transforme un second rôle en matrice essentielle du film. Evanescente, comme absente, insondable, elle incarne à merveille, Claudia, l’amie d’Anna, qui se perd dans une recherche vaine et dans les bras de l’inconstant et égoïste Sandro.
Vitti démarre avec l’Avventura une collaboration inégalée avec Antonioni, poursuivie dans l’Eclipse, La notte et Le Désert rouge.
Celle qui deviendra un monument du patrimoine italien, chanteuse, présentatrice, incarne à merveille les questionnements d’Antonioni, comme le fera Marcello Mastroianni pour Fellini.
Vitti parle peu. Elle dit tout dans son regard. Dans ses gestes. Son désarroi, ballerines à la main dans les rues de Taormina devient déchirant, sans que l’actrice n’exprime autre chose que des mouvements de bras, un regard ou une inclinaison de tête.
Claudia/Monica erre et se perd dans les îles. Une errance entamée dans la vraie vie, au cours d’un tournage éprouvant, entre pleine mer et ilot abandonné.
Monica Vitti dans L’Avventura
UN TOURNAGE
RUDE ET ORAGEUX
L’Avventura, c’est un jeu de bascule entre le chic d’une bourgeoisie en goguette et la réalité d’une nature insaisissable et orageuse.
Le film est tournée dans les iles éoliennes. Les équipes s’installent sur l’ile de Panarea, tout en tournant essentiellement sur l’îlot de Lisca Bianca.
Sauvage, inhabité, le petit bout de terre ne se laisse approcher qu’à reculons, sans ponton, rugueux, sauvage. Chaque jour, l’accostage relève de l’exploit. Léa Massari, quitte quelques temps le tournage en raison d’une crise cardiaque.
Sur Panarea, les conditions restent spartiates. Ni eau, ni électricité.
Plus ou moins abandonné par les producteurs, Antonioni redouble d’énergie et d’abnégation pour mener le tournage à terme. Une situation qui semble ne le contrarier qu’à moitié.
Si la musique est quasiment absente de l’œuvre, c’est aussi pour laisser place à une démarche organique, ancrée dans l’atmosphère des iles et le rythme de la mer. Antonioni, ira d’ailleurs jusqu’à tourner, en 1983, un court-métrage sur Lisca Bianca, muet, sorte de prolongement expérimental nostalgique.
La deuxième partie du film est tournée en Sicile. Schisina, ville fantôme de la vallée de l’Alcantara incarne cette ébauche de relation entre Sandro et Claudia.
Une Sicile rude et amer. A l’image du tournage, qui infuse progressivement la pellicule. Le paysage, le climat deviennent acteurs à part entière d’une œuvre qui dès lors sera infusée par les rues géométriques dans La Notte, les lieux abandonnés industriel du Désert rouge ou encore les parcs battus par le vent de Blow up.
L’Avventura, chef d’œuvre régulièrement redécouvert devient ainsi l’acte de naissance de l’immense Monica Vitti, tout autant que la genèse d’un cinéma organique, où la géographie exprime de manière magistrale les tourments de l’ame humaine.